Lorsque le lancement de La Vuelta 24 a été annoncé du Portugal, au matin de la dernière étape de l’édition précédente, Rui Costa s’en était ému : « Après le Grand Départ du Tour de France à Florence, là où je suis devenu champion du monde (en 2013), La Vuelta qui s’élance de mon pays me fait redoubler d’envie de poursuivre ma carrière en 2024 ! »
Le natif de Povoa de Varzim dans le nord du pays a vu la moitié de son vœu exaucé, à 37 ans, en étant retenu par son équipe EF Education-EasyPost pour la Grande Boucle. La deuxième approche. Il est le porte-drapeau du cyclisme portugais car aucun autre de ses compatriotes ne figure au palmarès de la course à l’arc-en-ciel. Mais la légende retient en premier lieu Joaquim Agostinho, premier Portugais monté sur le podium final des Grands Tours : 3e du Tour de France en 1978 et 1979, et 2e de La Vuelta en 1974 à onze secondes de José Manuel Fuente, pour ce qui reste comme le deuxième écart le plus serré entre le vainqueur et son dauphin (après les six secondes entre Éric Caritoux et Alberto Fernandez en 1984).
Douze Portugais ont remporté au moins une étape sur un Grand Tour pour un total de 31 succès : Joao Rebelo de Jesus (La Vuelta 1945, à Bilbao et Reinosa) ; Joao Lourenco (La Vuelta 1946, à Murcie et Gijon) ; José Cardoso (La Vuelta 1959, à Saint-Sébastien) ; Antonio Barbosa (La Vuelta 1961, à Madrid) ; Joaquim Agostinho (deux fois sur le Tour de France 1969, une fois sur le Tour de France 1973 et 1979, deux fois sur La Vuelta 1974, à Cangas de Onis et Anoeta, et une sur La Vuelta 1976 à Cartagène) ; Paulo Ferreira (Tour de France 1984) ; Acacio Da Silva (deux fois sur le Giro d’Italia en 1985 et 1986, plus une fois en 1989, une fois sur le Tour de France en 1987, 1988 et 1989) ; Sergio Paulinho (La Vuelta 2006 à Santillana del Mar et Tour de France 2010) ; Rui Costa (Tour de France 2011 plus deux fois en 2013, et La Vuelta 2023 à Lekunberri) ; Nelson Oliveira (La Vuelta 2015 à Tarazona) ; Ruben Guerreiro (Giro d’Italia 2020) ; Joao Almeida (Giro d’Italia 2023).
Avec huit victoires d’étapes, Acacio Da Silva est donc le Portugais le plus souvent victorieux sur les Grands Tours. Il a porté le Maillot Jaune et le maillot rose, les deux en 1989. Il avait grandi au Luxembourg, où précisément, il s’imposa sur le Tour de France, et de fait, l’histoire internationale des champions cyclistes portugais est souvent le fruit de l’exil. Agostinho n’aurait pas eu cette carrière glorieuse comprenant treize participations au Tour de France s’il n’avait été détecté par le vicomte Jean de Gribaldy, directeur sportif d’équipes qu’il montait de toutes pièces avec des athlètes que personne d’autre n’allait chercher. Il avait fait la guerre en Angola et au Mozambique, où sa force brute avait été repérée par un capitaine car il parcourait en deux heures sur des lourds vélos de messagerie une distance qui nécessitait cinq heures aux autres soldats.
La deuxième étape de La Vuelta 24 passera, au km 67, dans sa ville de Torres Vedras, où un musée du cyclisme à son nom a été inauguré en 2021. Cette année, le Portugal commémore les quarante ans de son décès tragique, en course, par la faute d’un chien, au Tour d’Algarve le 10 mai 1984. Il avait repris à plus de quarante ans le fil de sa carrière professionnelle pour accompagner les débuts en France de l’équipe du Sporting. Cette année-là, ceint du maillot blanc strié de vert, Paulo Ferreira avait crevé l’écran en s’échappant au 3e kilomètre de la 5e étape qui en comptait 207 et en battant au sprint les deux Français Vincent Barteau et Maurice Le Guilloux, à la surprise générale, près de dix-huit minutes avant l’arrivée du peloton. Il avait 22 ans et on ne l’a plus revu sur un Grand Tour.
Ses successeurs, comme Agostinho auparavant, n’ont pas eu cette opportunité de courir le Tour pour une équipe portugaise et ont dû séduire des prestigieuses formations étrangères pour évoluer au plus haut niveau, s’exprimant pour leur propre compte ou au service de grands leaders, comme Sergio Paulinho, vice-champion olympique en 2004 puis coéquipier d’Alberto Contador sur six de ses sept Grands Tours victorieux, et José Azevedo, 5e et 6e du Tour de France (en 2004 et en 2002). Rui Costa n’est pas seulement l’unique Portugais champion du monde mais aussi le seul Portugais vainqueur du Tour de Suisse, trois années de rang, en 2012, 2013 et 2014. Son portrait trône en bonne place sur la façade du Museu do ciclismo Joaquim Agostinho à Torres Vedras.
En attendant l’éclosion du phénomène Antonio Morgado, vice-champion du monde u23 et 5e de son premier Tour des Flandres cette année, à 20 ans, le cyclisme Portugais peut espérer une première victoire finale sur La Vuelta avec Joao Almeida, sorti en grande forme de son premier Tour de France où il a pris la quatrième place tout en épaulant le Maillot Jaune Tadej Pogacar. En sept Grands Tours disputés à 25 ans, il en a terminé six dans les dix premiers, seulement éliminé par le Covid du Giro 2022 alors qu’il était quatrième : 3e du Giro 2023, 4e de La Vuelta 22, son heure est venue de viser la consécration absolue. La 2e étape passera aussi dans sa ville natale, Caldas da Rainha (km 111), qui est également celle de Morgado.