Six coureurs actuellement en activité ont pris place sur le podium final des trois Grands Tours : Alejandro Valverde, Vincenzo Nibali, Chris Froome, Nairo Quintana, Primoz Roglic et Richard Carapaz. Si l’on étend la statistique au cyclisme du XXIesiècle, s’y ajoutent Carlos Sastre, Denis Menchov, Alberto Contador, Cadel Evans et Joaquim « Purito » Rodriguez. Mais un seul athlète, de tous les temps, a réussi ce triplé assorti à son palmarès personnel de l’or olympique dans la course sur route : Richard Carapaz, vainqueur du Giro 2019, 2e de La Vuelta 20 et 3e du Tour 2021.
Richard Carapaz n’est réapparu en compétition cette année qu’au Tour de Catalogne (21e) fin mars et s’est montré tout aussi discret à l’Itzulia Pays Basque (19e), pour la double raison que sa saison 2020 s’est terminée tardivement (le 8 novembre avec La Vuelta) et qu’il nourrissait de grosses ambitions pour cet été. De fait, il a parfaitement programmé son état de forme : vainqueur du Tour de Suisse à la mi-juin, troisième du Tour de France puis champion olympique en juillet. Il aurait pu estimer son contrat rempli et entretenir sa gloire au pays. Avant lui, un seul athlète équatorien avait décroché l’or olympique : Jefferson Pérez en marche athlétique en 1996, et une semaine après lui, Neisi Dajomes en a fait autant en haltérophilie. Mais il a une tâche encore inaccomplie qui lui tient à cœur : remporter La Vuelta.
L’an passé, au lieu d’exprimer quelconque amertume à propos de la victoire manquée de peu (2e à 24’’ de Primoz Roglic), il avait quitté l’épreuve en déclarant : « Je repars très content car j’ai vécu la fin de course avec beaucoup d’espoirs, et tout au long du parcours, j’ai vu beaucoup de drapeaux de l’Equateur, c’était beau. J’ai ressenti un soutien particulier. C’étaient de très grands moments ! » Pour mémoire, il s’agissait d’une Vuelta automnale en présence d’un nombre restreint de spectateurs. Les émotions de Richard Carapaz risquent donc d’être décuplées avec l’appui du « public responsable » (masqué et soucieux de la distanciation sociale) attendu cet été, s’il retrouve La Rojaqu’il a portée cinq jours en 2020 avant de la céder une deuxième fois à Primoz Roglic au Mirador de Ézaro (contre la montre). Il a placé une dernière banderille, tranchante et appuyée, dans l’ultime ascension de La Vuelta 20, l’Alto de la Covatilla. « J’ai terminé cette course avec le même sourire que j’avais en arrivant car j’ai tout donné, ce fut une belle Vuelta, j’y ai pris énormément de plaisir », conclut-il de ce qui était sa troisième participation à la ronde espagnole.
Richard Carapaz a un peu tardé à devenir un héros de La Vuelta à la différence du Giro d’Italia où il a gagné une étape (la 8e au Montevergine di Mercogliano), porté le maillot blanc et terminé 4e au général dès sa première participation en 2018, avant de ramener le maillot rose à Vérone l’année suivante. Mais c’est bien La Vuelta qui lui a servi de premier Grand Tour, en 2017, sans doute l’édition qui a le moins souri à Movistar, son équipe d’alors (aucune victoire d’étape, Dani Moreno le mieux classé au final, 18e). Pour ses débuts, Richard Carapaz avait attaqué à plusieurs reprises, sans succès (son meilleur résultat : 11e à l’Angliru, le jour de la sortie en beauté d’Alberto Contador à la veille de sa fin de carrière).
En 2018, en dépit de ses états de service au Giro, il s’est résolu à jouer les équipiers, en faveur d’Alejandro Valverde (5e au final après avoir longtemps occupé le podium) et Nairo Quintana (leader désigné au départ, 8e à l’arrivée). Il devait encore disputer La Vuelta 19 mais il est sorti de l’équipe au dernier moment suite à une chute survenue dans un critérium qu’il disputait aux Pays-Bas le dimanche précédent. Il était en partance de Movistar, la formation qui l’avait accueilli à ses débuts pros consécutifs à son apprentissage chez Lizarte. Il redit souvent en citant son ancienne équipe amateur de Navarre qu’il doit à l’Espagne le lancement de sa carrière cycliste professionnelle. L’an passé, il s’est montré tout aussi reconnaissant envers Chris Froome, son coéquipier du Team Ineos qui l’avait aidé malgré les difficultés rencontrées dans sa reconstruction physique suite à son terrible accident de 2019, mais il n’avait pas à son service la plus grosse armada.
Cette fois, l’écurie britannique aligne des noms particulièrement impressionnants sur le papier : Egan Bernal, Richard Carapaz, Adam Yates, Pavel Sivakov, Tom Pidcock, Jhonathan Narvaez, Salvatore Puccio et Dylan van Baarle ! Carapaz n’est donc pas le seul champion olympique fraîchement couvert d’or dans cet effectif puisque Pidcock, 22 ans, prodige du cyclo-cross et déjà protagoniste des grandes classiques, a remporté l’épreuve du VTT à Tokyo. « C’est un grand honneur pour nous, organisateurs, que le Team Ineos aligne une telle sélection de champions, déclare Javier Guillén, le directeur général de La Vuelta. Ça en dit long sur leurs ambitions. Bernal et Carapaz sont les deux chefs de file actuels du cyclisme sud-américain et c’est un continent qui nous est cher. Tous deux ont la capacité de remporter l’épreuve comme deux Colombiens avant eux (Luis Herrera en 1987 et Nairo Quintana en 2016). Carapaz, désormais, est une icône avec son titre olympique. La maestria avec laquelle il a remporté la course sur route a enthousiasmé les aficionados de tous les pays, je pense. Nous apprécions aussi sa gentillesse et son sourire. Il a tout pour être un héros de La Vuelta. »