La Vuelta 19 s’annonce comme la dixième ronde espagnole d’un maillot désormais ancré dans le paysage cycliste mondial : le rouge de leader du classement général, identifié aussi clairement dans les esprits des fans actuels que le jaune du Tour de France et le rose du Giro d’Italia. Mark Cavendish en fut le premier porteur… et le premier des cinq Britanniques à l’avoir endossé, dont Chris Froome, le recordman.
Le premier maillot rouge de l’histoire de La Vuelta a été attribué de nuit, au terme d’un contre-la-montre par équipes de 13km remporté en 14’06’’ à Séville par HTC-Columbia dont le premier homme sur la ligne, Mark Cavendish, a règlementairement hérité de la première place au classement général individuel. « C’est un orgueil pour moi d’étrenner le maillot rouge, avait alors déclaré le sprinter de l’île de Man, mais il appartient à toute l’équipe. Je ne représente que 10% de la victoire. »
Au cœur de la chaude nuit andalouse de ce 28 août 2010, la communauté cycliste ne s’était sans doute pas rendu compte à quel point La Vuelta se situait à un tournant de son histoire avec ce maillot dessiné par Custo Dalmao, imitation de la peau du guépard présenté comme « l’animal le plus rapide de la terre » en cette époque où Cavendish était aussi le cycliste sur route le plus rapide de la terre.
Le rouge était une nouvelle couleur pour désigner le leader de l’épreuve. Il venait après l’orange initial des deux premières éditions, remportées par le Belge Gustaaf Deloor en 1935 et 1936, le blanc de 1941, le retour à l’orange en 1942, un premier essai en rouge, en 1945, l’épaisse bande rouge sur fond blanc de 1946 à 1950, le jaune de la relance de la course en 1955, jusqu’en 1998 à l’exception de l’orange en 1977, l’année où Freddy Maertens remporta treize étapes et le classement général, et enfin l’or, de 1999 à 2009.
Il y a dix ans, l’idée de Javier Guillén, nouveau directeur général, consistait à lier La Vuelta à « la couleur la plus caractéristique du sport espagnol ». C’était l’époque la plus prolifique de la sélection nationale de football, la Roja, championne du monde 2010, championne d’Europe 2008 et 2012. Le rouge est aussi l’une des deux couleurs (avec le jaune) du drapeau de l’Espagne.
« C’est ma première étape de ma première Vuelta et j’ai déjà le maillot rouge mais ça ne me détourne pas de mon objectif réel, qui est de remporter des étapes », avait également commenté Mark Cavendish, déçu de s’incliner le lendemain au sprint, à Marbella, face au Belarus de la FDJ Yauheni Hutarovitch. Il n’a donc pas gagné avec le maillot rouge (mais avec le maillot vert, ensuite, à Burgos et Salamanque, pour ses deuxième et troisième succès). Il faudra attendre la sixième étape de La Vuelta 2012 pour voir lever les bras un porteur du maillot rouge : Joaquim Rodríguez à Jaca.
Philippe Gilbert, un autre très grand nom du cyclisme contemporain, a succédé à Mark Cavendish comme titulaire du maillot rouge. Ça s’est produit à Málaga, au mirador de Gibralfaro, une montée parfaite pour lui à ce moment de sa carrière, où il a supplanté à 500 mètres de la ligne l’échappé Serafín Martínez. « Chaque fois que je suis venu à La Vuelta, c’était dans le but de gagner une étape et de préparer le championnat du monde », se souvient aujourd’hui le maillot arc-en-ciel de Valkenburg 2012 (après deux autres victoires d’étapes à Barcelone et La Lastrilla). « Mais ce fut un plaisir de porter le maillot rouge cinq jours. Le leader était encore en jaune quand j’ai commencé à suivre La Vuelta. Ça correspondait avec la rentrée scolaire, on regardait l’étape à la TV juste après l’école puis on partait s’entraîner plus tard. ».
À Xorret de Catí, Gilbert avait cédé le maillot rouge à Igor Antón qui allait devenir le premier « martyr » de la nouvelle tunique, contraint à l’abandon sur chute à 6km de l’arrivée de la 14e étape à Peña Cabarga. Il était dans la forme de sa vie. Vincenzo Nibali a succédé au Basque, devenant, malgré un deuxième intermède de Joaquim Rodríguez, le premier à triompher en rouge à Madrid. Une nouvelle histoire était en marche.
35 coureurs figurent au palmarès du maillot rouge à l’aube de la dernière édition de la décennie :
- Chris Froome, 27 jours (20 plus les 7 retirés à Juan José Cobo)
- Vincenzo Nibali, 20
- Alberto Contador y Joaquim ‘Purito’ Rodríguez, 17
- Nairo Quintana, 14
- Simon Yates, 11
- Fabio Aru, 7
- Esteban Chaves y Tom Dumoulin, 6
- Philippe Gilbert, Igor Antón, Chris Horner y Alejandro Valverde, 5
- Sylvain Chavanel, Bradley Wiggins, Darwin Atapuma, Michal Kwiatkowski y Rudy Molard, 4
- Jonathan Castroviejo y Michael Matthews, 3
- Mark Cavendish, Rohan Dennis y Jesús Herrada, 2
- Jakob Fuglsang, Daniele Bennati, Pablo Lastras, Bauke Mollema, Janez Brajkovic, Nicolas Roche, Dani Moreno, Peter Velits, Peter Kennaugh, Rubén Fernández, David de la Cruz e Yves Lampaert, 1
Ils représentent 14 nations. L’Espagne mène le bal devant le Royaume Uni qui a vu, dans cette période, cinq de ses coureurs (dont deux vainqueurs finaux, Chris Froome et Simon Yates) en tête de La Vuelta : Espagne (53 jours en rouge), Royaume Uni (45), Italie (28), Colombie (24), France (8), Pays-Bas (7), Belgique (6), USA, Australie (5), Pologne (4), Danemark, Slovénie, Irlande, Slovaquie (1).
Sept coureurs ont porté les trois maillots de leader désormais iconiques des trois Grands Tours : Vincenzo Nibali, Chris Froome, Alberto Contador, Fabio Aru, Bradley Wiggins, Mark Cavendish et Rohan Dennis.